Intuition

L’intuition des médecins est un élément important pour rechercher une maladie grave (Jean Perdrix, Bernard FavratRev Med Suisse 2014; volume 10. 1476-1477)
«J’ai un mauvais pressentiment avec ce patient». Combien de fois avons-nous pensé cela sans oser le dire car nous n’étions pas capables d’étayer notre intuition par des symptômes et des signes précis. Pourtant, plusieurs recherches ont montré que l’intuition du médecin est importante comme par exemple dans la méningite chez l’enfant1 ou les douleurs thoraciques chez l’adulte.2 En pédiatrie, même l’intuition des parents que «quelque chose ne va pas» est démontrée comme un important facteur prédictif d’affection grave chez l’enfant.1 Des chercheurs danois3 enfoncent encore le clou avec une étude prospective populationnelle impliquant plus de 400 généralistes et 4518 patients (≥ 18 ans). Les médecins, après avoir vu leurs patients, devaient évaluer leur indice de suspicion de cancer ou d’autres maladies graves. Les patients étaient suivis par la suite grâce à des bases de données nationales. Les médecins n’étaient par ailleurs pas informés de l’objectif final de l’étude. Dans 5,7% (257 patients) des cas, les médecins ont suspecté une maladie grave. La fréquence était plus importante chez les personnes plus âgées et se présentant avec des symptômes liés aux systèmes digestif, hématologique ou gynécologique. La suspicion de cancer était associée à une probabilité de maladie grave de 9,8% à deux mois et de 16,4% à six mois (hazard ratio ajusté à deux mois de 2,98 (IC 95% : 1,93-4,62) entre les patients avec ou sans suspicion). Sur les 42 patients dont la suspicion a été confirmée, 22 avaient des symptômes d’alarme liés à la maladie grave sous-jacente comme par exemple une anamnèse de métrorragie et un diagnostic final de cancer endométrial. Donc presque la moitié des patients (20 sur 42) avec une maladie grave confirmée se sont présentés avec des symptômes vagues mais le médecin avait néanmoins l’intuition à juste titre d’un problème grave.
Commentaire : Cette étude montre qu’en l’absence de signes et symptômes d’alarme spécifiques, l’intuition «qu’il y a quelque chose de grave» est un élément à intégrer comme indication à rechercher un cancer ou une maladie grave. Malheureusement, cette étude ne s’est pas intéressée à la variabilité de cette intuition entre les médecins et les paramètres qui pourraient l’influencer comme la formation, le niveau d’anxiété habituel ou les mauvaises expériences vécues dans des diagnostics manqués.

1.A Van den Bruel Clinicians’ gut feeling about serious infections in children : Observational study.. BMJ 2012 (345) [Medline] ; 2.F Verdon Predictive ability of an early diagnostic guess in patients presenting with chest pain : A longitudinal descriptive study.. BMC Fam Pract 2010 (11) [Medline] ; 3.P Hjertholm Predictive values of GPs’ suspicion of serious disease : A population based follow-up study.. Br J Gen Pract 2014 (64) [Medline]
Contact auteur(s) : Jean Perdrix-PMU-(Jean.Perdrix@hospvd.ch)-Bernard Favrat / Policlinique médicale universitaire, Lausanne. 2014 © Médecine & Hygiène